Khalid Mikou
Peindre pour s’ouvrir au monde et garder le sentiment d’être soi
La distribution des surfaces et des lignes parle plus directement que les caprices de la nature (Alfred Roth)
Dans sa peinture, Aligod fait pleinement sienne cette assertion qui transparaît dans la pratique de son art où la lumière, la ligne, le traitement des surfaces occupent une place primordiale. Une démarche quasi naturelle chez cet architecte praticien mais également une décision mûrie de sa part, lui qui n’a jamais choisi l’architecture « contre » la peinture.
Très tôt ses penchants pour l’expression l’ont mené, à travers des chemins de traverse, théâtre, musique, chant…, vers la peinture qui a toujours été pour lui beaucoup plus qu'un passe-temps de dimanche. La rencontre a eu lieu au moment de ses études d’architecture. A cette époque, il fallait d'abord songer à avoir un métier « sûr», véritable garant social. Le hasard, néanmoins, fit bien les choses, l’école où il démarra sa formation d’architecte, à Bordeaux, avait gardé plus que des réminiscences des enseignements de la défunte école des beaux arts où l’expression artistique et notamment la peinture était à l’honneur.
Œuvrant autant pour son cursus que pour sa passion, la peinture avec laquelle il entretint, depuis lors, une relation interrompue était devenue le centre de son univers. Lui, débordant de gaité, de bonne humeur, dès qu’il sent un passage à vide, il se réfugie dans la peinture. Elle est son moteur. A travers elle, il puise l’essentiel de son inspiration pour stimuler un imaginaire extrêmement fertile. En forçant les couleurs à exécuter ses rêves de vie, il laisse éclater des pans entiers du bonheur qu’il a au fond de son être. Du coup, il se rassure lui-même et renoue, ainsi, son lien avec le monde.
En parallèle à une grande culture théorique et pratique d’architecte confirmé, sa démarche picturale s’est d’abord située dans le sillage d’un certain « figuralisme onirique » tournant autour de figures récurrentes telles que le corps féminin ou le violon. A l’aise dans le dessin et le portrait, fasciné par l’ambiance et l’exigence de regarder toujours par-delà des apparences que dégagent les portraits peints par Modigliani, il s’est un moment passionné pour la reproduction de certaines des œuvres du maître italien pour mieux en percer les secrets. Attitude humble mais non réductrice, pour preuve sa démarche personnelle dont le fil conducteur est mû par une seule et immuable revendication, celle de l'importance de l'imaginaire et le plaisir de la découverte. Peignant d’abord pour lui-même en se frayant le chemin qui le conduit vers l'œuvre jusqu’à éprouver le bonheur de la « sentir » éclore, il invite ensuite « le Regardeur » au quel il laisse, selon la sensibilité qui est la sienne, toute liberté d’interprétation.
En architecte, son processus conceptuel se déroule en plusieurs temps. Devant la toile posée sur le chevalet, il prend un moment de contemplation et de rêverie. Les idées qui lui viennent sont esquissées. La première ébauche est suivie par un long travail de construction par plans. Il « rentre » ainsi dans la toile et c’est à ce moment là qu’arrive le moment de la couleur. Sa palette se charge progressivement de camaïeux qui, chemin faisant, finissent par prendre leur indépendance et prennent leur propre envol.
Comment qualifier cette production ?! « Paysagisme abstrait » ? Cubisme ? Oui, mais mâtiné de surfaces qui ne s’interdisent pas la courbe. Celle-ci constitue son jardin secret. Elle traduit sa volonté de transmettre une sensualité intellectuelle, valorisante et poétique à l'adresse de la Femme : mère, compagne ou amie, une sensualité tout en hommage et en respect.
Cette peinture ne relevant ni de l’abstraction ni de la figuration, elle s’attache principalement à capter le spectateur par la couleur afin de le convier à un voyage à travers des paysages plus « vrais » que nature… Voyage que le peintre a d’abord entrepris lui-même et dont il est revenu initié. Les péripéties de son parcours, inscrites dans les arcanes de la composition, titillent et provoquent le sentiment que le regard sur ses toiles suscite et sur le quel on n'en finit pas de méditer…
J’ai toujours pensé que l’intuition d’Aligod était de rechercher, non pas d’asséner des « vérités » mais, à travers la médiation de l’art et du sentiment de plénitude et de beauté qu’il suscite, de se consoler et de consoler les autres avec lui.
Khalid Mikou architecte D.P.L.G Docteur en sociologie urbaine